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Vous avez dit « Saintetés aptésiennes » ?

La cathédrale d’Apt et le culte des saints locaux

Vous avez dit « Saintetés aptésiennes » ?

Sous ce titre énigmatique – sauf pour les autochtones – se cache un ouvrage captivant (image à droite : couverture) consacré aux saints vénérés dans l’ancien diocèse d’Apt (Vaucluse) et au patrimoine qui leur est dédié. Publié sous la direction de Sandra Poëzévara, conservatrice du Musée d’Apt et de Yann Codou, maître de conférences à l’Université de Côte d’Azur (Nice), il réunit les contributions de plusieurs historiens spécialisés, et notamment Gabriel Audisio et Régis Bertrand.

S’agissant d’une cité où la cathédrale est dédiée à sainte Anne, il n’est pas étonnant que la mère de Marie tienne une place d’honneur dans cet ouvrage. Néanmoins, les saints franciscains ne sont pas absents, notamment grâce au célèbre couple de tertiaires, Elzéar de Sabran († 1323), seigneur d’Ansouis, et Dauphine (ou Delphine) de Puimichel († 1360), tous les deux issus de la noblesse provençale et enterrés chez les frères mineurs d’Apt. Mais seul Elzéar a été canonisé, et dans son texte, Thierry Pécout s’attache à montrer combien les destins des époux sont assez différents, à commencer par la génération qui sépare leur décès.

Ex-votos

Plusieurs contributions sont consacrées aux ex-votos conservés autrefois à la cathédrale et aujourd’hui au musée. Ils concernent surtout des miracles attribués à sainte Anne, patronne d’Apt depuis le Moyen Âge, mais on note un ex-voto daté de 1637 et relatif à un exorcisme réalisé par un récollet du couvent d’Apt (image à gauche : Ex-voto d’exorcisme d’Anne Dilly de Cadenet / Musée d’Apt)

Marc Daumas évoque quant à lui « les cultes et fêtes des saints aptésiens », et notamment les manifestations de 1960 qui ont marqué le sixième centenaire de la mort de Delphine. À cette époque, un troisième et dernier (?) procès de canonisation de la tertiaire fut instruit par un franciscain, le frère Jacques Cambell († 1979), mais il n’a pas abouti – ce qui fait que Delphine n’est toujours que « bienheureuse ».

Reliques

Au chapitre des reliques, Sandra Poëzévara rapporte qu’en avril 1669, le père André Bini, ministre général des frères mineurs conventuels, se rend coupable de ce qu’il faut bien qualifier de vol : « en visite en Provence pour faire le tour des couvents de son ordre et travailler à leur réforme, [il] aurait emporté une portion des reliques de saint Elzéar et de sainte Delphine avant de prendre la route d’Aix. La nouvelle se serait alors rapidement répandue et le parlement saisi pour une restitution de la relique. Un arrêt de la cour du Parlement de Provence du 4 mai décide que les reliques doivent être replacées dans leurs châsses ».

Oeuvres singulières

Dans la dernière partie de l’ouvrage, intitulée « œuvres choisies », on note un très bel Enfant-Jésus, en bois polychrome et doré, fabriqué en Italie au début du XIVe siècle, et conservé jusqu’à la Révolution au couvent des cordeliers d’Apt. Selon Régis Bertrand, cette statue, qui a rejoint aujourd’hui le trésor de la cathédrale, est sans doute « la plus ancienne statue d’Enfant-Jésus de mouvance franciscaine signalée en France ».

Des fragments du tombeau de saint Elzéar – démantelé sous la Révolution – figurent dans ce même trésor, notamment celui représentant un miracle survenu lors du transfert du corps d’Elzéar de Paris à Apt en 1323 (image à droite : Le sauvetage d’un enfant tombé dans le Rhône / Basilique Sainte-Anne d’Apt).

Alors que la foule est assemblée en Avignon pour acclamer la dépouille mortelle du saint, un enfant tombe dans le Rhône. Son père supplie Elzéar d’intervenir et les eaux s’écartent pour laisser l’enfant passer. Signalons que d’autres fragments du tombeau sont conservés dans des collections publiques, notamment au Louvre.

Enfin, un tableau anonyme du XVIIe siècle, représentant la mort de saint François (image à gauche) et provenant soit du couvent des cordeliers, soit de celui des récollets, est aujourd’hui visible dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste de la cathédrale.

Saluons ici le travail remarquable de toute une équipe de chercheurs, qui éclaire d’un jour très neuf les « saintetés aptésiennes », et notamment celles d’Elzéar et de Delphine. Espérons que, dans la suite de ces recherches, on se décidera enfin à restaurer le couvent des récollets, intégralement conservé. Cet ouvrage, fort documenté et parfaitement illustré, peut être téléchargé gratuitement ici. Une version papier est également disponible sur commande.

Pierre Moracchini, mai 2020