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2018-01-23 Le martyre de 1597 - les franciscains face aux persécutions du pouvoir japonais (écho de la conférence)

C’est devant une assistance bien nombreuse que notre conférencière, Hélène Vu Thanh, maître de conférences à l’Université de Bretagne -Sud, spécialiste des missions jésuites au Japon (elle a fait paraître tout récemment un livre intitulé "Devenir japonais - la mission jésuite au Japon (1549-1614)" a développé son analyse historique du martyre de 1597 au Japon, martyre qui avait trouvé un écho important aussi bien en Asie, qu’en Amérique et en Europe.

Un exposé très documenté et nous apportant beaucoup d’informations intéressantes sur cet événement. La conférencière a particulièrement fait ressortir le contexte politique du Japon à cette époque : enjeux d’influences rivales entre l’Espagne et le Portugal dans cette partie du monde. Elle a montré que les missionnaires jésuites, arrivés les premiers en 1549, en bénéficiant des facilités apportées par l’Empire Portugais (la voie des Indes Orientales), avaient pris l’option d’une annonce "en douceur" de l’Evangile, alors que les franciscains, venus ensuite par les Philippines, débarquèrent en 1593, n’hésitant pas à employer une annonce beaucoup plus directe, pouvant paraître plus offensive et déstabilisante pour les dignitaires du pays : cette différence de méthode a bien pu provoquer une certaine tension dans les relations entre jésuites et franciscains ! Leur soi-disant martyre, selon notre historienne, est soupçonné de légèreté et d’inconséquence, "la gloire du martyre" apparaissant comme la motivation essentielle de ces missionnaires, et leur béatification, puis canonisation, comme le fruit de calculs politiques du Saint-Siège.

Il nous est apparu que le point de vue volontairement extérieur et profane de l’historienne montrait ses limites, notamment pour rendre compte des réalités spirituelles qui sous-tendent toute action missionnaire, et pouvait même finir par déformer la réalité historique. La grille de lecture qui tendrait à durcir les tensions entre jésuites et franciscains, comme si elles étaient l’une des principales causes de la persécution, semble être quelque peu atténuée par plusieurs faits historiques. Un membre de notre assistance a fait mention, par exemple, de la lettre de Mgr. Martinez, évêque jésuite du Japon, écrivant, le lendemain du martyre, au supérieur franciscain de Manille et attestant que les martyrs avaient bien été exécutés en haine de la foi. Le père Pierre-Baptiste, franciscain et chef de file des martyrs, avait confié à un père jésuite, une dernière lettre, la veille de son exécution, à l’intention de son supérieur et de sa famille, lettre dans laquelle il fait preuve d’extraordinaires sentiments d’abandon et de joie de mourir pour le Christ. (On peut retrouver des extraits de cette lettre dans le "Sanctoral franciscain" pour le 6 février, date à laquelle la famille franciscaine et l’Eglise universelle célèbrent la mémoire de ces martyrs du Japon de 1597 :"Ss Pierre-Baptiste, Paul Miki et leurs compagnons, martyrs Ier et IIIème Ordre"). Dans les récits des Jésuites, on peut constater qu’eux-mêmes n’ont pas mis en doute les motivations spirituelles de Paul Miki (jésuite) et qu’ils l’ont vénéré dès avant la béatification comme un vrai martyr de la foi...
Quant à la béatification, elle ne semble pas avoir posé vraiment des problèmes au Saint-Siège, quant aux motivations spirituelles de ces martyrs. Malgré la difficulté des communications et la longue durée des transports entre le Japon et Rome, il n’a suffi que trente ans pour qu’elle soit prononcée. Quant à la canonisation, promulguée seulement en 1862, huit après l’ouverture du Japon à l’Occident, elle montre que le Saint-Siège a attendu tout ce temps pour ne pas risquer une recrudescence des violences contre les chrétiens de la part des autorités du Japon...

On peut donc légitimement garder certaines réserves sur certains points de cet exposé, brillant et bien documenté par ailleurs. Mais si ces divergences pouvaient générer une poursuite du dialogue avec notre conférencière, nous serions tout à fait dans la vocation de notre "Bibliothèque"...